Le timonier invisible

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Parmi les habitués de la Mission au milieu des matelots Daniel Matthews était l’un des caractères les plus intéressants.

Jeune homme, il était connu pour sa témérité et sa turbulence, et toute son attitude profondément hostile à l’égard de la religion causait souvent beaucoup de chagrin à ses proches. La seule chose qu’il aimait était la mer parce qu’il pouvait y affronter le danger. Son audace dépassait celle des jeunes gens de son âge ; et plus d’un homme, endurci par la vie à bord, n’aurait pas osé les choses que souvent il entreprenait.

Son incrédulité s’affirmait au fur et à mesure que les années passaient : aussi, lorsque avec ses camarades, il était assis près du feu ou bien en été sur le quai, il cherchait à prouver en des termes qu’il jugeait pleins de force et par des arguments puissants que la religion n’était qu’une illusion et Dieu qu’un mythe.

Un soir que la flotte était en mer, un ouragan d’une rare violence s’éleva ; les filets durent être abandonnés à la dérive et les bateaux dirigés vers le port. La tempête était telle que même Daniel commença d’être effrayé. Plus tard, il raconta que ce fut la première fois de sa vie qu’il eut réellement peur.

Son ami, un chrétien, Tom Rogers, était à la barre avec lui lorsqu’une grosse lame vint heurter et balayer l’embarcation de l’avant à l’arrière. Tom fut arraché de la barre et précipité dans les eaux tumultueuses. Il ne restait pas une minute à perdre, ni même le temps de se lamenter sur la perte d’un ami qui avait essayé de l’amener à croire en Christ. Il fallait livrer une bataille solitaire et désespérée pour atteindre la rive. Il se cramponna à la barre durant ce qui lui parut être des heures de terreur et dirigea la manœuvre à travers l’obscurité sans apercevoir les lueurs du port. Sa force faiblissait, et il lui semblait qu’il ne pourrait pas tenir beaucoup plus longtemps. Le vent glacial le refroidissait jusqu’aux os. L’embrun qui formait un brouillard au-dessus du bateau l’aveuglait et lui cinglait le visage.

Il était persuadé qu’il s’approchait du port ; néanmoins l’obscurité était profonde, on apercevait que la lueur de l’écume blanche des vagues, et Dan ne pouvait savoir que les lumières du port avaient été éteintes par le vent. Comme un tonnerre lointain il percevait le brisement des lames contre la digue, il eut l’impression que son cœur se glaçait de peur.

Dans ce moment terrible, il pria. Complètement impuissant et sans ressources, il cria à Dieu pour avoir du secours. Ce fut un cri de désespoir :  » O Dieu, aide-moi !  » Il se passa alors quelque chose d’étrange. Il sentit sur le gouvernail, comme une forte main qui en dirigea la manœuvre en dépit de sa propre main, tournait la roue et remettait le navire sur le bon chemin ; au même instant la fureur du vent s’apaisa. La manœuvre leur avait permis d’entrer dans le port.

Ce qu’éprouva Dan Matthews à ce moment-là, il ne put jamais le décrire. Tout d’abord il fut épouvanté. Il savait, oui, il savait que Dieu avait pris la barre de sa main et l’avait amené au rivage ; et il craignait le timonier invisible dont il s’était si souvent moqué. Sa vie en fut changée ; puis il eut le courage de raconter à ses compagnons ce qui lui était arrivé et comment Dieu était venu à son secours. Dès qu’il le put, il se rendit à la maison de la Mission pour chercher de l’aide et des directions ; il apprit à connaître le Seigneur Jésus Christ, et reconnut être un  » pécheur sauvé par grâce « . Depuis lors on le rencontrait souvent à la Mission, il ne se lassait pas de raconter la merveilleuse histoire du timonier invisible.

 » Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé  » (Act. 2, 21).

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