Gethsémané

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♦ ♦ ♦ 1914 ♦ ♦ ♦

Aux rives du Cédron, la nuit silencieuse,
Invitant au repos, descendait à pas lents ;
Une nuit d’orient, fraîche et mystérieuse,
Rayonnante aux clartés des cieux étincelants !
Partout un calme pur ! et cette terre aimée
Déjà s’embellissait des charmes printaniers :
Les palmiers murmuraient sous la brise embaumée
Du mont des Oliviers !

Jusqu’à Gethsémané, le solitaire asile,
Dont un étroit sentier gravit l’escarpement,
Quelques hommes pensifs qui sortent de la ville
Dans les ombres du soir s’avancent lentement.
Ils marchent accablés, baissant les yeux à terre,
Quelque trouble secret rend leur front soucieux,
Un seul d’entre eux, les traits empreints d’un calme austère,
Regarde vers les cieux !

C’est le Christ et les siens ; d’où provient leur souffrance ?
Jésus, le Fils de Dieu, lui-même a soupiré…
Que peut appréhender Celui dont la puissance
Peut créer à l’instant ou détruire à son gré ?
Que peut craindre Celui dont la force suprême
Commande aux sourds d’entendre, aux aveugles de voir,
Et devant qui la mort et le sépulcre même
Ont perdu leur pouvoir ?

 Voici le lieu paisible où le Maître adorable,
Auprès de ses amis, souvent s’est reposé ;
Mais cette fois, saisi d’un trouble inexprimable,
Il se tient à l’écart, défaillant et brisé.
Puis à genoux, son âme exhale sa prière :
« Mon Dieu, délivre-moi de ce calice affreux !…
Mais que ta volonté s’accomplisse, Abba, Père,
Et non ce que je veux ».

De ses lèvres, trois fois cette supplique instante
S’élève vers le ciel comme un cri véhément,
Il sonde, avant la croix, la coupe d’épouvante,
La coupe d’agonie et de déchirement,
Une sueur sanglante inonde son visage,
Découle de son front, se mêle avec ses pleurs ;
Mais pour l’Agneau de Dieu, ce n’est que le présage
De plus grandes douleurs !

Qu’est donc pour le Seigneur, ce moment redoutable ?
C’est porter sur la croix les forfaits des humains ;
C’est l’abandon de Dieu, la mort due au coupable ;
C’est être fait péché sous des yeux trois fois saints !
Satan, vaincu jadis, plein de haine et de rage,
Revient pour l’accabler de ses traits furieux ;
Car c’est son heure, il veut posséder sans partage,
Ce monde ténébreux !

Le ciel même s’émeut à ce spectacle étrange :
Lui ! le fils éternel, de gloire couronné,
Lui ! dont les séraphins célébraient la louange,
Accablé de douleurs, le voilà prosterné !
Le nourrisson de Dieu, les délices du Père,
Celui des mains duquel l’univers est sorti,
Le voilà seul, gisant la face contre terre,
Et comme anéanti !

Pour le fortifier à cette heure cruelle,
Des ordres du Très-haut serviteur empressé,
Un ange, apparaissant dans la nuit solennelle,
Offre un baume divin au Sauveur angoissé,
L’amour enfin triomphe et marche au sacrifice !
Le Christ a devant lui la mort et l’abandon,
Mais acceptera-t-il que le pécheur périsse
Sans espoir, ni pardon ?

Non, le Saint ne veut pas que cette race humaine
Soit perdue à jamais sans entendre sa voix ;
Non, du péché pour elle il portera la peine,
En se laissant meurtrir et clouer sur la croix.
Mais il sait, en buvant à cette coupe amère,
Qu’un jour il goûtera les fruits de son labeur,
Et que le grain de blé qui tombe dans la terre
Reste seul s’il ne meurt ! …

Qui donc le bénirait, l’adorerait sans cesse,
Si Jésus, sans mourir, au ciel fut remonté ?
Il s’approche des siens, endormis de tristesse,
Le cœur rempli de calme et de sérénité ;
Sur ses traits resplendit une sainte assurance :
Non, le grand ennemi ne triomphe pas.
« Levez-vous, leur dit-il, car le traître s’avance ;
Allons, voici Judas ! …

Que ce Gethsémané, chrétien, dans ta mémoire,
Reste comme un témoin vivant et solennel
De ce qu’a rencontré le Rédempteur de gloire,
Pour te fermer l’enfer et pour t’ouvrir le ciel !
Et toi, pécheur perdu, contemple l’agonie
Du Sauveur qui t’appelle et que Dieu t’a donné ;
C’est pour toi qu’il souffrit la détresse infinie
De ce Gethsémané !

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